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Histoire
de l'amanite tue mouches
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Un usage
chamanique ancien
L'amanite est peut-être
le plus anciennement utilisé des champignons hallucinogènes
puisqu’il est connu depuis 3 500 ans et entrait probablement dans la composition
du soma, mythique boisson divine de l’Inde antique. À l’autre bout
du globe, il était connu des Mayas. Il a été aussi
utilisé jusqu’à notre époque en Sibérie, au
Kamtchatka, et chez certaines tribus indiennes d’Amérique du Nord
lors de rites chamaniques destinés notamment à communiquer
avec les « esprits ». Les rites chamaniques sont associés
à des transes souvent obtenues par la consommation de plantes hallucinogènes.
Jusqu’au milieu du dix neuvième
siècle, en Europe, on le croyait aussi toxique que l’amanite phalloïde
dont la consommation peut être mortelle. En 1349, un des premiers
livres d’Histoire naturelle publié en Allemagne affirmait que le
jus d’amanite mélangé à du lait tuait les mouches
et le nom de l’amanite signifie « qui tue les mouches » dans
plusieurs langues. Toutefois, ses propriétés psychotropes
restaient inconnues. |
Divinité hindoue
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Première
description de l’usage chamanique
Le premier rapport écrit
de l’usage de l’amanite dans des cérémonies chamaniques est
dû à Johan von Strahlenberg, officier de l’armée suédoise
qui resta prisonnier plusieurs années en Sibérie. Sous ce
climat, l’amanite tue-mouches est le seul végétal possédant
des propriétés psychotropes capable de pousser.
L’amanite était consommé
collectivement, principalement au cours de rites chamaniques. Il était
très recherché et sa valeur marchande était élevée.
Les champignons étaient coupés en tranches et mis à
sécher. Ils étaient ensuite mastiqués par les femmes
avant d’être façonnés en petits boudins pour être
donnés aux hommes. Ils pouvaient être aussi consommés
en décoction dans de l’eau, du jus d’airelle ou du lait.
L’utilisation magico-religieuse
du champignon donnait lieu, en raison de sa rareté, à une
pratique étonnante, la consommation rituelle d’urine : l’urine des
consommateurs, riche en principes actifs, était bue par d’autres
participants leur permettant ainsi de ressentir les mêmes effets.
En effet, après consommation les alcaloïdes du champignon passent
rapidement dans l’urine. Le champignon était surtout utilisé
par les chamans pour entrer en contact avec les esprits comme le font de
nombreuses tribus avec diverses plantes hallucinogènes. Des tribus
indiennes du Michigan l’utilisent aussi dans ce but. Interdit pendant l'époque
soviétique en URSS, l'usage du champignon s'est cependant poursuivi
clandestinement et continue aujourd’hui chez certains peuples de Sibérie.
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Chaman du Kamtchatka
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Vers
l’identification des alcaloïdes
Les premiers travaux destinés
à identifier des alcaloïdes dans l’amanite furent réalisés
par Schmiedeberg et Koppe en 1869 qui montrèrent une action parasympathomimétique
de l’extrait d’amanite, capable d’arrêter le cœur de grenouille en
diastole. C’est pourtant seulement en 1931 que Kögl, Duisberg et Erxleben
isolèrent la muscarine pour la première
fois et il fallut attendre encore plus de vingt ans pour l’obtenir pure.
C’est en effet en 1953 que Eugster réussit à purifier le
chlorure de muscarine sous forme cristallisée en mettant en œuvre
des méthodes chromatographiques et à établir sa formule
élémentaire exacte. À partir de 124 kg de champignon
il obtint 260 mg de muscarine ultrapure soit un degré de purification
de 480 000 par rapport au champignon ce qui représente une concentration
en muscarine de 0,0002 % du poids frais. Il traita quelque 2 600 kilos
de champignon pour obtenir quelque 5 g. Une telle concentration ne pouvait
rendre compte des puissants effets psychotropes de l’amanite. On a découvert
ensuite qu’il existait également dans le champignon des isomères
de la muscarine (allo et épi-muscarine) mais ils sont physiologiquement
encore moins actifs que la muscarine et c’est seulement dans les années
1970 que devaient être identifiés les principaux alcaloïdes
psychoactifs du champignon, acide iboténique,
muscimol, muscazone. |
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